La vie des végétaux est d’abord conditionnée par le climat.
Elle est donc potentiellement sensible au changement climatique.
D’où la nécessité de bien comprendre les mécanismes impliqués afin de pouvoir anticiper et nous adapter.
Le climat, principal facteur limitant des forêts
La température, liée à l’énergie solaire reçue, varie de l’équateur aux pôles et détermine, à l’échelle mondiale, l’ordonnancement en bandes parallèles des grands types de végétation : équatoriale, tropicale, tempérée, boréale. Le froid devient un facteur limitant prépondérant lorsque la latitude augmente. Sur les reliefs, on constate un étagement de la végétation qui s’explique également par un gradient thermique directement lié à l’altitude.
Le besoin en eau d’une plante dépend de la température, mais aussi du rayonnement, de l’humidité de l’air et du vent. Les précipitations ne répondent pas toujours à ce besoin, notamment en été. Il y a alors un déficit hydrique.
Besoins en chaleur, tolérance au froid et au déficit hydrique : chaque espèce d’arbre a ses exigences propres. Un climat approprié est une condition nécessaire pour permettre la présence durable d’une essence.
Le changement climatique perturbe le fonctionnement des arbres et des écosystèmes
L’augmentation des températures induit un allongement de la saison de végétation de plusieurs jours par décennie : débourrement plus précoce, senescence des feuilles plus tardive. La production des forêts tempérées s’en est trouvée augmentée. Cependant, cela augmente aussi les besoins en eau donc le stress hydrique sur les marges méridionales des espèces. À plus long terme, les hivers trop doux devraient perturber la levée de dormance des bourgeons et des graines.
Par ailleurs, les compétitions entre espèces, de même que les cycles des champignons pathogènes et des insectes ravageurs, sont également modifiés, avec des conséquences en chaîne sur la composition et le fonctionnement des écosystèmes forestiers.
feuilles des bouleaux et la coloration anticipée de celles des chênes.
Versant d'Ardenne primaire en fin d'été, Sylvain Gaudin © CNPF.
Le changement climatique modifie la répartition des espèces
Les cartes obtenues ne peuvent cependant être assimilées à des aires de répartition futures. En effet, indépendamment de l’incertitude irréductible sur évolution du climat, cette approche n’intègre pas les mécanismes qui conduiront au recul ou à la progression des espèces, ni d’autres paramètres tels que l’augmentation du taux de CO2.
Scénario A2 Arpège – Source : Badeau in Loustau Ed 2011, Quae.
(a) Répartition de sept groupes d'espèces obtenus par analyse discriminante sur le climat actuel ;
(b) Projection de ces bioclimats en 2050 ; (c) Projection de ces bioclimats en 2100.
Quelles conséquences pour les principales essences françaises
L’évolution des forêts françaises est suivie grâce à l’Inventaire Forestier National (intégré à IGN), aux signalements de problèmes sanitaires collectés par le département santé des forêts (DSF), au le réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers (RENECOFOR), aux dispositifs de recherche et à plusieurs observatoires régionaux des impacts du changement climatique sur les forêts.
Les observations réalisées depuis quelques décennies viennent globalement confirmer les modèles de fonctionnement ou de répartition évoqués plus haut, bien que ceux-ci ne soient pas toujours convergents. Les incertitudes restent importantes, tant sur pour l’évolution du climat que pour la réaction des espèces d’arbres. Cependant, les tendances sont claires.
D’un côté, l’augmentation des températures permet aux essences de s’installer plus au nord, vers l’intérieur du pays ou plus haut en altitude (voir aussi la page « Stratégie d'adaptation pour le forestier »). Ainsi, le Chêne vert, qui est cantonné actuellement à la zone méditerranéenne et à une mince frange atlantique, à la faveur de climats suffisamment doux, s’étend en Aquitaine, et le réchauffement lui ouvre potentiellement de nouveaux espaces dans l’Ouest en général.
Mais c’est sur la marge méridionale ou inférieure de leur aire de répartition que leur régression sera rapide à cause de l’accroissement du déficit hydrique. Déjà, les dépérissements et mortalités constatés rendent compte d’un fort impact des dernières anomalies climatiques. C’est notamment le cas pour le Pin sylvestre, dont l’état de santé des populations s’est fortement dégradé dans le Valais suisse et les Alpes du Sud.
Perspectives d'évolution des principales essences françaises
Évolutions plausibles selon un scénario médian à l’horizon 2050 :
- Considérés ensemble, les Chênes sessile et pédonculé, qui constituent la première essence de la forêt métropolitaine verraient un tiers de leur aire actuelle devenir inhospitalière.
- Le retrait du Hêtre, qui couvre 15 % de la surface forestière de production, pourrait concerner les deux tiers de son aire actuelle, avec un repli vers les massifs montagneux et le nord-est de la France.
- Le Sapin, essence montagnarde à affinité méditerranéenne, pourrait subir un recul l’ordre de 60 %, sur ses marges méridionales et à basse ou moyenne altitude.
- L’Épicéa, devrait se replier dans l’étage subalpin, sur seulement un dixième de la surface qu’il occupe actuellement, de dévastatrices attaques de scolytes venant amplifier les effets directs du changement climatique.
- Le Pin maritime, surtout présent en Aquitaine et en région méditerranéenne, voit son extension et sa productivité potentielle stimulées par le réchauffement dans la moitié nord de la France, tandis qu’elle se maintiendrait dans le Sud à moyen terme. Son avenir est cependant menacé par la probable arrivée en France du nématode du pin.
Copyright de l'image d'en-tête : Sylvain Gaudin © CNPF.